MON CONCEPT : Esthétique d'une décomposition
La décomposition d’un espace de vie, d’histoires humaines et du vivant en général.
Le contexte d’aujourd’hui est propice aux disparitions de vécus, d’histoires, d’espaces naturels et sociaux qui ne présentent selon nos codes aucun intérêt ni politique, ni économique, ni artistique. Laisser se décomposer une partie de la réalité, c’est tourner la tête ailleurs vers d’autres horizons plus propres, plus beaux et plus rassurants; des horizons qui ne sont finalement qu'illusions.
Chacun sait que notre futur est construit sur notre passé et nos actes du moment. Il s'agit de le rappeler.
C'est pourquoi, j'aborde deux thèmes se déclinant en plusieurs sujets.
Mon premier thème est l'URBEX.
Je m’inscris dans une démarche de mémoire envers des empreintes d'histoires économiques et sociales, de vécus de gens ordinaires, d'une culture du travail et de la consommation. Je recherche les atmosphères disparues pour les comprendre, partager et s'en souvenir, et accompagner le spectateur-consommateur à se retourner vers l'irregardable, la dégradation de notre culture et de notre humanité.
La mémoire de ces lieux et de ces temps s’efface sur la pointe des pieds, jetés à l’usure du temps, grand nettoyeur sans scrupule, ils se décomposent; décomposition d’un espace où la vie et la mort s’entrechoquent, décomposition dévoreuse d’histoires d’hommes et de femmes, d'histoires abandonnées, toutes interdites au souvenir.
L’esthétique de la honte, de la culpabilité et finalement de la pourriture. Tous responsables, tous exploiteurs des uns et des autres pour consommer, consommer encore et encore sans jamais regarder derrière soi un décors de désolation. Et pourtant, cette esthétique vraie si singulière remplit notre quotidien. Le beau consommé n’est que la métamorphose de cette esthétique du décomposé. Un beau factice qui n’est que perception, qu’un emballage. Une société construite sur cette tromperie ne peut que se décomposer à son tour, et devenir déchet.
Mon second thème est la NATURE.
Quand nous sommes arrivés, nous les humains, la planète terre depuis fort longtemps, 4.5 milliards d’années, était belle, riche et généreuse. Mais la révolution industrielle initiée au XVIIIème siècle, âge de départ supposé de l’ère anthropocène (Paul Josef Crutzen), va faire basculer la société essentiellement artisanale et agraire (l’homme évolué) vers une société commerciale et industrielle (l’homme technologique), point de départ d’un processus de défiguration et d’exploitation à outrance de la nature. Il nous aura fallu moins de 250 ans pour épuiser ce qui a été créé durant des millions d'années, c'est à dire les réserves de pétrole, de gaz, de charbon et d’uranium identifiées, sans oublier dans un futur très proche les terres agricoles.
Il est devenu évident que le niveau d’activité atteint aujourd’hui par l’humanité constitue une catastrophe que l’on ne peut plus négliger.
Cette décomposition engendrée par l’homo-economicus pour son profit personnel, sans partage, laisse des empreintes profondes comme de véritables cicatrices terrestres. La terre intoxiquée s’appauvrit très rapidement. Pour mémoire, l’homme technologique (aujourd’hui) consomme cent fois plus que l’homme primitif et dix fois plus que l’homme évolué. Cette surconsommation engendre du déchet en grande quantité, un déchet durable et toxique.
La terre deviendrait-elle dangereuse ? Ce que nous croyons fort devient fragile.
Dans nos régions, les montagnes s’effondrent, les arbres se meurent, la biodiversité s’appauvrit, les glaciers reculent, les lacs de montagne s’évaporent, la vie se meurt. La liste est tristement longue. Le bonheur nous échappe.
Aujourd’hui, chacun peut voir cette décomposition au quotidien. A un moment donné, parce que le temps manquera, les mesures vont forcément devenir radicales. Ce qui aurait pu se faire avec douceur, se fera avec brutalité.